Coup de
coeur
« Cet enfant existe entre mes cils. Et parce qu’il existe entre mes cils, j’ai la certitude soudain que seule l’écriture pourrait lui donner corps, le faire advenir, qu’il me faut à tout prix inverser le mouvement, que ce qui m’assèche serve de terreau, que le vide remplisse la page pour qu’enfin naisse un greffon de ma chair stérile. »
J’avais 1001 questions à lui poser. J’en ai choisi quelques-unes. Vous serez certainement sensibles à la musique de ses mots et à son talent pour donner poser une parole incarnée.
« Cet enfant existe entre mes cils. Et parce qu’il existe entre mes cils, j’ai la certitude soudain que seule l’écriture pourrait lui donner corps, le faire advenir, qu’il me faut à tout prix inverser le mouvement, que ce qui m’assèche serve de terreau, que le vide remplisse la page pour qu’enfin naisse un greffon de ma chair stérile. »
Editeur : éditions de l’Amandier, Parution : 26 février 2015
Coup de cœur pour ce roman poignant sur le désir d’enfant et la maternité
interdite. Maïa Brami, sublime la douleur du manque pour donner naissance à un
texte littéraire intense, intime et rare, résolument tourné vers la vie.
Dans un «texte matière », un « patchwork de mots » Maïa
tisse les paysages intimes des pensées, sensations et émotions qui jalonnent l’histoire
d’une femme, d’un couple en désir d’enfant, en quête, de vie, de soi. Elle fait
entendre la petite musique, les refrains, de la femme inhabitée. Elle joue « une
partition pour voix seule », une partition singulière, en même temps
qu’elle ébauche la cartographie d’une traversée en terre d’infertilité, dans
laquelle nombre de femmes se reconnaîtront. De l’évidence du désir à l’impuissance à incarner, de l’abîme du
vide à la plénitude de l’être et du devenir soi, elle marche son
chemin : « Devenir
une en s’épluchant les peaux mortes de l’histoire. Gommer les aspérités,
se faire une place en soi, tel un écrin, poncer, souffler, poncer, souffler,
s’attendrir, faire place nette pour s’y déposer ensuite, comme le cœur dans la
corbeille des côtes, le fœtus dans son cocon rouge.»
J’avais 1001 questions à lui poser. J’en ai choisi quelques-unes. Vous serez certainement sensibles à la musique de ses mots et à son talent pour donner poser une parole incarnée.
L’interview
1001
fécondités – Maïa, comment est né
ce livre ? et son titre ? Pourquoi et pour quoi « L’inhabitée »
?
Maïa Brami - Peut-être dans certains cas, il
y a une composante psychologique à l’infertilité. Dans ce cas, faire un travail
sur soi permet sûrement de faire des miracles. Mais il est tellement pénible
pour une femme stérile de s’entendre dire que tout est dans sa tête et qu’elle
doit lâcher prise. Je crois que l’infertilité n’a bien souvent aucun
sens : est-ce qu’on demande à quelqu’un de cardiaque d’aller s’allonger
sur un divan ? Non. L’infertilité est une terrible injustice qui vous
exclut presque des espèces vivantes — même les microbes se
reproduisent ! — et soudain, vous êtes dépossédée de votre corps, vous
êtes entre deux corps. L’entre deux corps , c’était le premier titre du roman. C’est ainsi que je me sentais, ni fille, ni femme.
1001 fécondités – « Le vide était plein. Cette simple prise de conscience suffit à
dissiper le néant. Du noir a jailli la lumière. » Pour
vous qui êtes auteur, artiste, la création se nourrit-elle nécessairement du
manque, la plénitude du vide, l’être du néant ?
Maïa Brami - Non, je ne crois pas. J’écris et
publie des livres depuis quinze ans et ils ne sont pas tous nourris de manque
ou de désespoir. Heureusement. On crée avec ce qu’on est, ce qu’on vit, ce
qu’on ressent, ce qu’on a envie de transmettre. Tout entre en compte. Mais
arriver à sublimer sa souffrance grâce à l’art reste une chance, qu’on soit artiste
ou pas.
1001
fécondités – De quel plein, de quelle plénitude, de quelle fécondité, vous êtes-vous
sentie accoucher ? Diriez-vous que de l’impossibilité à enfanter peut
naître un processus « maïeutique,
art de faire accoucher les âmes » ?
Maïa Brami - Cette enquête, ce tissage de
mots pour trouver du sens, mettre du sens, m’a permis de me trouver, de m’accoucher à nouveau grâce à mes propres mots Je me suis redonnée vie, un peu comme une sorte de mue. Cette épreuve m’a
fait grandir comme jamais. Je suis devenue plus humble. J’ai compris que tout
est miracle : respirer, aimer, goûter… que tout est précieux et que rien
n’est acquis, rien n’est donné d’avance. J’ai appris la valeur des choses, ce
qui compte vraiment. J’ai appris à chérir chaque instant qui passe.
1001
fécondités – « Moi aussi j’ai cru à l’évidence de deux corps qui se
rencontrent : le papa plante sa graine dans la ventre de la maman
… Nous sommes déchirés par l’impuissance. » « Au fil des jours,
ta semence est devenue sueur, sueur et larmes, et nos corps se sont durcis l’un
contre l’autre : moi le récipient, toi la seringue. »
Vous dites le couple, l’amour et le désir en souffrance, les doutes, les
crises et notamment vous mettez en mots la sexualité en bataille, sexualité
procréative, sur ordonnance : le désir emporté par les TP, le plein asséché par
le vide. Et vous écrivez aussi en fin de processus, comme le fruit d’une « enquête sur
soi-même »,
d’une quête de soi : « UNE. Une pour devenir deux. Une
pour se multiplier »Diriez-vous que de ce passage à vide le couple peut renaître à une relation et une sexualité récréatives, re-créatrices, vivantes, nourrissantes ?
Maïa
Brami - Une chose est sûre, si un couple
arrive à se sortir de cette épreuve, il en sort plus fort que jamais. Et même
si l’insouciance des débuts a disparu, il peut trouver les ressources pour
faire renaître une complicité physique et affective.
Maïa
Brami - Dans le roman, je voulais faire
entendre ce flux de voix qui résonnent en permanence autour de la narratrice.
Sans être moralisatrices, toutes véhiculent conseils et vérités toutes faites,
des soi-disant réponses, qui ne font qu’accentuer sa solitude. La grand-mère,
avec ses croyances, apporte la dimension magique, qui peut devenir dans
certains cas l’unique réponse à laquelle se raccrocher. Toute conception, toute
naissance ne tient-elle pas du miracle ? Pour rebondir sur votre question
sans vraiment peut-être y répondre, je dirais que la femme confrontée à son infertilité se retrouve face à elle-même, à sa
finitude, et elle interroge toute la lignée, à mon avis, elle essaie de remonter aux sources pour tenter de trouver
réponses à ses questions. Peut-être trouve-t-elle en une tante ou une aïeule,
un double, une sœur de cœur ou un soutien précieux ? Dans mon cas, ce sont
des artistes qui m’ont accompagnée. Pour ne citer qu’elles, l’écrivain Chantal
Chawaf, la poète Sylvia Plath et la peintre Paula Modersohn-Becker, dont je
publierai une biographie romancée chez le même éditeur, début mars, à temps
pour la Journée de la Femme !
Maïa Brami - J’ignore si la possibilité du vide rend vivant. Mais, à mon avis, arriver à accepter la possibilité du vide permet, dans ce cas précis, de sortir d’un état de détresse terrible pour se réconcilier avec soi-même et se remettre en route vers le reste de sa vie, qui, si elle n’est pas celle qu’on avait fantasmée, n’en sera pas moins passionnante et… bien « remplie » !
1001
fécondités – « Voir/Avoir. Entre ces deux verbes, la lettre – « a » -,
ma bouche qui s’ouvre sur une langue rouge, la première d’un alphabet qui se
refuse, celui du commencement » Au commencement était le verbe, au commencement le désir de vie
aussi ; et justement vous jouez et conjuguez, Maïa, le désir d’enfant, le
désir de vie avec plusieurs verbes : « Voir, avoir, savoir et
devoir » mais aussi « Avoir, Faire et Etre ». Qu’avez-vous
appris de ces travaux pratiques de conjugaison du désir ?
Maïa
Brami - Je répondrais bien deux mots sur
la question de l’infertilité dans la société. Vous avez évoqué tout à l’heure
mon anthologie Dans le ventre des femmes, où j’avais demandé à des
artistes de l’écrit et de l’image d’évoquer le mot « utérus » et
d’explorer le rapport entre création et procréation. À l’origine de ce livre,
il y avait mon envie de parler de l’origine — vaste question ! —, mais
aussi de réfléchir à la place des femmes dans notre société. Car, j’ai pu
constater, moi la première, combien
on a tendance à sacraliser la maternité, combien on a du mal à dissocier la
femme de la mère, combien on regarde bizarrement les femmes sans enfant. J’ai pu aussi constater combien les éditeurs étaient frileux à l’idée de
publier mon anthologie et ensuite « L’inhabitée », comme si la femme,
son corps, son ventre renfermaient un secret inavouable sur lequel il fallait
laisser poser un voile pudique.
1001
fécondités – Merci, Maïa.
Maïa Brami - Merci à vous pour cette lecture
subtile. Grâce à vous, je suis sûre, mon roman arrivera entre les bonnes mains.
Celles qui en ont besoin.
1001
fécondités – Je vous souhaite une
agréable rencontre avec la parole de Maïa et avec votre élan créatif.
L’auteur
Maïa Brami est écrivain, photographe et animatrice d’ateliers d’écriture. Elle est l’auteur de plus d’une quinzaine de livres pour enfants et adultes. Son premier roman, Norma (éditions Folies d’encre) a reçu le Prix du Festival du Premier Roman de Chambéry en 2007. En 2012, elle a organisé et mis en espace l’exposition « Dans le ventre des femmes » à la Galerie 59 Rivoli à Paris, inspirée de son anthologie éponyme. Sur le même sujet elle a publié un carnet de grossesse 9 mois par moi (Aubanel), un recueil de poèmes Pour qu’il advienne (Caractères, 2010) et un monologue La vie refusée (Ixcéa, 2012). Derniers titres parus : Lettre au poète, Cocteau à Milly-la-Forêt(Belin, 2014), Les Princes charmants n’existent pas (Nathan, 2014). Site : www.maiabrami.fr
Merci pour cet interview très riche. Je me retrouve beaucoup dans les propos de Maïa qui montre qu'il y a d'autres chemins lumineux et créatifs que la maternité.
RépondreSupprimerLe livre L'inhabitée est disponible en commande auprès de l'auteur Maïa Brami, sur le site www.maiabrami.fr
RépondreSupprimerBravo pour cet entretien et ce livre qui touche et instruit mon parcours de thérapeute, merci
RépondreSupprimerjohanna dermi
hello hi! je me sens concernée vous savez...oh vous n'avez pas idée de la souffrance PMA pour avoir un enfant! il faut être passée par l’infertilité comme nous pour le comprendre! c’est un vrai bonheur que d’être maman et j’en rêve depuis longtemps que je suis en PMA, une endométriose sévère et des SOPK avec un AMH à 0.2, le gygy nous envoie en GPA hélas impossible en France, svp peut-on le faire légalement en Espagne avec Eugin ou en Ukraine avec A. Feskov clinic? ou au Canada et en Belgique? merci pour vos conseils ou expériences si vous en avez svp
RépondreSupprimercoucou, fais attention car l'espagne est impossible comme en france, ok pour le canada ou encore Feskov qui a un bureau à bruxelles, regarde ce lien et bon courage, https://mere-porteuse-centre.fr/
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