1 novembre 2014

Femme médecin, dame de cœur


« Humaine », « accessible », «engagée »,
Telle m’est apparue le Docteur Jennifer Rayward, gynécologue, lors de notre première rencontre.

« J’ai moi-même 4 enfants et c’est ma plus grande joie ! Je voudrais aider mes patientes à ressentir autant de bonheur et c’est ce qui me motive aujourd’hui. » m’a-t-elle dit en m’expliquant pourquoi elle s’est spécialisée en PMA et a créé la clinique ProcreaTec, à Madrid.

Voilà longtemps que j’étais curieuse de connaître les motivations des médecins spécialistes de la PMA et leur regard sur les difficultés de leur patientèle, sur les possibles façons de faire famille, ouvertes par les progrès médicaux, le don, notamment.
Alors j’ai saisi l’occasion d’inviter le Docteur Rayward à partager sa vision et en particulier à parler du don d’ovocytes et des donneuses.
 

1001 fécondités  - Jennifer, vous êtes médecin gynécologue, spécialiste en PMA et co-fondatrice de la Clinique ProcreaTec clinique de Fertilité à Madrid, quel est votre parcours ?

Docteur Jennifer Rayward : J’ai d’abord étudié Médecine générale à l’Université d’Alcalá de Henares en Espagne. Ensuite, je me suis consacrée à la recherche en immunologie clinique pendant 4 ans. Après cela, j’ai travaillé en consultation de gynécologie et reproduction. Après l’obtention d’un Master en Reproduction Assistée à l’Université Complutense de Madrid, je me suis finalement et exclusivement consacrée à la PMA, et cela depuis 2003.

1001 fécondités  - Qu’est-ce qui vous a motivée à orienter votre activité de gynécologue vers la PMA ? à fonder un clinique ?

Docteur Jennifer Rayward : Parmi mes activités médicales, j’ai toujours préféré la gynécologie et la reproduction en particulier. J’ai commencé à travailler dans de grandes cliniques mais je remarquais qu’on ne donnait pas aux patients toute l’attention dont ils avaient besoin. Et c’est de là que nous avons décidé, avec mon amie et collègue Lourdes López, de fonder notre propre clinique, et offrir à nos patients une attention personnalisée.

1001 fécondités  - Concrètement, en quoi votre patientèle reçoit-elle une attention personnalisée ?

Docteur Jennifer Rayward : Nous essayons de suivre au maximum nos patients. Les traitements sont, en grande partie, à distance, et les patientes doivent se sentir accompagnées dans ce « voyage de la fertilité », et pas seulement par un médecin. C’est pour cela que nos coordinatrices sont toujours à l’écoute et essaye de communiquer le plus possibles avec elles, par mail ou téléphone.

1001 fécondités  - Quelles sont les activités et services que vous proposez au sein de ProcreaTec ?

Docteur Jennifer Rayward : ProcreaTec est une clinique de fertilité et se consacre exclusivement au traitement de Reproduction Assistée. Pour les patientes espagnoles par exemple, nous suivons tout le processus du traitement, depuis l’élaboration du diagnostic d’infertilité jusqu’au moment de l’écoute du rythme cardiaque de l’embryon. Elles peuvent ensuite continuer le suivi de la grossesse chez leur gynécologue habituel. 

1001 fécondités  - Qui sont vos patients ?
Docteur Jennifer Rayward : Nous accueillons, bien entendu, et en grande majorité des patientes espagnoles. Mais nous nous occupons aussi de beaucoup de couples italiens, car la loi sur la reproduction assistée y est très stricte, et quelques patientes françaises. Les patientes venant de l’international recherchent le plus souvent un don de gamètes (sperme ou ovocytes) ou viennent en Espagne parce que leur situation ne leur permet pas de suivre des traitements dans leur pays d’origine (couples non mariés par exemple).

1001 fécondités  - Quel est votre regard de femme et de médecin sur le parcours des personnes infertiles ?

Docteur Jennifer Rayward : L’infertilité est une maladie malheureusement sous-estimée. Nous pensons tous un jour ou l’autre à la maladie ou à la mort, parce qu’on y est confronté à travers un proche ou un ami. Mais on ne pense jamais à l’impossibilité de concevoir naturellement. Chacun planifie sa vie, couple, travail, enfants…, sans se rendre compte que l’infertilité existe. Et c’est beaucoup plus que ce que l’on croit.

1001 fécondités  - Justement, qu’observez-vous que cela implique dans la vie et le psychisme des personnes concernées ?

Docteur Jennifer Rayward : Quand une personne apprend qu’elle est infertile, sa vie entière bascule. Les psychologues comparent cela à la réaction face à l’annonce d’une maladie grave : une sensation de vide, de perte et le besoin de « faire le deuil ». Quand il s’agit d’un don d’ovocytes, la patiente a besoin de faire un « deuil génétique ».

1001 fécondités  - Comment cela vous touche-t-il et vous motive-t-il en tant que femme et médecin ?

Docteur Jennifer Rayward : J’ai moi-même 4 enfants et c’est ma plus grande joie ! Je voudrais aider mes patientes à ressentir autant de bonheur et c’est ce qui me motive aujourd’hui.

1001 fécondités  - Votre clinique accueille de nombreuses personnes qui viennent de l’étranger, notamment de France, pour des Dons d’Ovocytes, comment vous et votre équipe les accompagnez-vous ?

Docteur Jennifer Rayward : L’accompagnement pour les patientes étrangères se fait à distance, ce qui n’est pas toujours facile pour elles. C’est pour cela que nous faisons tout pour qu’elles se sentent soutenues dans tout le processus du don. Nous essayons d’être disponibles à tout moment, de répondre rapidement à leur demande, et de leur expliquer au maximum toutes les étapes du traitement. 

1001 fécondités  - Quels sont leurs critères de choix d’une clinique?

Docteur Jennifer Rayward : L’Espagne est spécialisée en traitement de reproduction assistée. Il y a de très bons professionnels et qui utilisent, en général, des techniques de pointes. Mais chaque clinique a sa particularité. Il y a des cliniques très grandes, très renommées, mais qui, à mon avis, ne donnent pas aux patients toute l’attention qu’ils méritent. Chez ProcreaTec, nous avons quatre priorités : la technologie, la recherche, l’enseignement et l’accompagnement des patients.

1001 fécondités  - Quels sont vos conseils aux couples qui optent pour le don d’ovocytes ?

Docteur Jennifer Rayward : Ces patientes doivent être bien conscientes que le don d’ovocytes constitue leur unique chance de tomber enceinte. Dans le cas contraire, elles pourraient regretter de ne pas avoir essayé avec leurs propres ovocytes.

D’autre part, je leur conseillerais de suivre leur traitement pendant une période calme (professionnellement, vie personnelle, etc.) car, même si ce n’est pas prouvé scientifiquement, j’ai la profonde certitude qu’il est plus difficile de tomber enceinte pour une femme stressée et anxieuse que pour une femme émotionnellement stable.

1001 fécondités  - Vous recevez des patientes pour un don d’ovocytes et donc vous sollicitez des donneuses, comment "recrutez-vous" les donneuses ?

Docteur Jennifer Rayward : Nous ne recrutons pas de donneuses. Elles viennent souvent de la part d’une amie, d’une cousine… un contact qui a déjà fait un don. Bien sûr, si elles recherchent une clinique sur internet, elles vont trouver notre programme de don, sur notre page web, mais ce n’est qu’à titre informatif, et nous ne faisons pas de “campagne” de recrutement.

1001 fécondités  - Quelles sont les motivations des donneuses selon vous ? leurs questions sur les fruits et conséquences de leur don ?

Docteur Jennifer Rayward : Les donneuses viennent généralement parce qu’elles sont justement conscientes des problèmes d’infertilité. Elles connaissent souvent une amie, une voisine, une cousine, ayant eu des problèmes pour avoir un enfant, et elles ont entendu parler du don comme cela. Elles le font aussi par générosité, même si beaucoup savent qu’il y a une compensation pour le don. Mais, elles doivent suivre un traitement lourd et doivent se rendre à la clinique très souvent: elles investissent beaucoup de leur personne, et je pense que la compensation est juste et méritée.

Quand une femme se présente à la clinique pour faire un don, elle n’a pas vraiment conscience de ce que cela représente. C’est pour cela que nous lui donnons une formation avec d’abord une révision de biologie de base de l’appareil de reproduction. Ensuite, elles doivent passer des analyses et des entretiens devant un psychologue, une infirmière puis un médecin. Nous leur expliquons tous les conséquences du don et insistons sur le fait que c’est un geste pour aider une autre femme à fonder une famille. À la fin du processus, elles savent très bien ce qu’elles font.

1001 fécondités  - Sur quels critères – d’âge, de situation personnelle, de responsabilité et d’engagement, … - les donneuses sont-elles acceptées ?

Docteur Jennifer Rayward : Les donneuses d’ovocytes en Espagne doivent avoir de 18 à 35 ans. Cependant, nous préférons toujours des donneuses un peu plus âgées (au moins 20 ans). À 18 ans, nous ne les acceptons que si l’une de leurs proches a déjà donné. Il en de même pour les donneuses de plus de 30 ans, nous les acceptons que très rarement. Nos donneuses ont entre 20 et 29 ans.

La plupart ont une relation stable et pensent sincèrement que la plus belle chose qu’elles ont sont leurs enfants, et veulent aider d’autres femmes.

Mises à part les tests médicaux et psychologiques, nous avons aussi notre propre méthode d’évaluation des donneuses. Par exemple, nous leur donnons rendez-vous plusieurs fois avant de les accepter, pour bien vérifier qu’elles sont sérieuses, qu’elles arrivent à l’heure et n’annulent pas au dernier moment. C’est un moyen de mettre leur engagement à l’épreuve.

1001 fécondités  - Quel est votre regard de médecin et de femme sur ces femmes donneuses ? et sur le principe du don ? sur le principe de l’anonymat ?

Docteur Jennifer Rayward : Les donneuses sont des femmes généreuses et altruistes, elles sont formidables ! Celles qui sont déjà mères me disent souvent qu’elles veulent aider d’autres femmes à être aussi heureuses.

En Espagne, il existe des programmes de don d’organes depuis les années 80. Et je pense que le don d’organes est ancré dans la mentalité espagnole et fait partie de la culture de ce pays. C’est un pays très solidaire.

Le don ici est anonyme et les donneuses doivent bien être conscientes de ce qu’elles font. C’est pourquoi nous les formons sur cette question, pour qu’elle prenne leur décision en toute conscience et de manière réfléchie. Je pense que le fait que le don soit anonyme favorise justement ce don. Maintenant, si un enfant veut connaître sa mère biologique (cela est quand même très rare), c’est très difficile, et je ne peux pas vous répondre si l’anonymat est bon ou mauvais. C’est aux psychologues d’y répondre.

1001 fécondités  - Quels sont les progrès, les espoirs que vont offrir les techniques de la médecine procréative dans le futur ?

Docteur Jennifer Rayward : Il nous reste à découvrir une grande partie de la reproduction assistée : celle de pouvoir transférer un embryon génétiquement bon. Jusqu’à maintenant, nous sommes capables de cultiver un embryon, jusqu’au stade de blastocyste, et nous avons bien avancé dans ce sens. Mais, aujourd’hui, s’il n’y a pas de Diagnostic Pré-Implantatoire, l’embryon est choisi suivant des critères esthétiques et nous ne savons pas s’il est bon génétiquement. Avec une connaissance génétique de l’embryon, les chances de grossesse devraient atteindre 80%, et ce devrait être l’objectif des recherches futures.

1001 fécondités  - Que dites-vous à ceux qui dénoncent le possible eugénisme quand on évoque le DPI ?

Docteur Jennifer Rayward : Tout le monde a le droit d’avoir sa propre opinion à ce sujet. Nous ne sommes pas là pour faire un monde parfait mais pour essayer de soulager la souffrance grâce à des méthodes scientifiques. Cependant, nous respectons toutes les opinions.

1001 fécondités  - Selon vous, à quels enfants, à quelles familles, à quelle société, les pratiques de PMA et la pratique du don de gamètes sont-elles en train de contribuer ?

Docteur Jennifer Rayward : La société de 2014 n’est pas une société traditionnelle. Nous trouvons tout type de famille : traditionnelle, monoparentale, homosexuelle, enfants adoptés par un couple, un père ou une mère, et la société est en train de changer. Nous avons aussi le cas de personnes ayant des enfants à un âge plus avancé, et c’est la tendance de cette première partie du XXIº siècle. La société va continuer de changer dans les prochaines années et avec elle, le concept de famille.



Le blog du Docteur Rayward : http://www.conceivingbyart.com/

 

 

4 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

    RépondreSupprimer
  2. coucou, je me sens concernée vous savez...oh vous n'avez pas idée de la souffrance PMA pour avoir un enfant! il faut être passée par l’infertilité comme nous pour le comprendre! c’est un vrai bonheur que d’être maman et j’en rêve depuis longtemps que je suis en PMA, une endométriose sévère et des SOPK avec un AMH à 0.2, le gygy nous envoie en GPA hélas impossible en France, svp peut-on le faire légalement en Espagne avec Eugin ou en Ukraine avec A. Feskov clinic? ou au Canada et en Belgique? merci pour vos conseils ou expériences si vous en avez svp!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

      Supprimer
    2. génération infertile oui, fais attention car l'espagne est impossible comme en france, ok pour le canada ou encore Feskov qui a un bureau à bruxelles, regarde ce lien et bon courage, https://mere-porteuse-centre.fr/

      Supprimer

Maintenant c'est à vous ... de partager ce que ce billet vous inspire.