Parce que la parole d’un homme sur un parcours de fécondité est rare,
Parce qu’à travers un parcours de PMA, c’est aussi la naissance d’un père qui se joue,
J’ai eu envie de poser quelques questions à William Roy, auteur de De père en FIV
Le livre
Jeune
couple soudé et plein de projets, Emma et Guillaume ont tout pour être heureux…
excepté une chose : un enfant. D’essais infructueux en échecs répétés, les deux
jeunes mariés se heurtent à la stérilité. Rude épreuve pour Guillaume lorsqu’il
découvre, après les tests, qu’il est celui qui pose problème.
Mais qu’à
cela ne tienne, ils l’auront, cet enfant ! Ensemble,
ils se lancent alors dans les déroutantes démarches de la fécondation in vitro.
Hanté par les hyperboles de doctissimo et la culpabilité de l’infertilité,
Guillaume éprouve le quotidien des embarrassants dons de spermes, des tests aux
résultats redoutés et des consultations sans fin. Et c’est sans compter sur le
spectre de son propre père, paternel indigne et distant qui réapparaît soudainement
dans sa vie…
Avec un regard réaliste empreint
d’autodérision, William Roy partage avec humour et justesse une expérience
profondément humaine, hissée par un espoir inébranlable.
L’interview
1001 fécondités – William, merci
pour cet ouvrage dans lequel vous donnez à voir avec brio une partie du
"marathon avec saut de haies" qu’est un parcours de PMA, une série
de temps forts et trop souvent caricaturaux par leur absence d’humanité : les
examens, la découverte des résultats dans la solitude, les informations du net,
les choix plus ou moins compréhensibles des protocoles médicaux, le
tragi-comique du recueil de sperme, l’impudique dans le temps du transfert,
l’infantilisation dans le rapport à l’information, la décision et la gestion du
temps d’une médecine centrée sur le processus plus que sur les personnes, les
échecs, les deuils et les réussites. Vous suggérez aussi le dialogue
intérieur et les doutes, la culpabilité et la dynamique de couple, la relation
à l’entourage, de la famille aux amis en passant par les enfants des autres et
la vie professionnelle. Tout y est !
Cette bande dessinée est essentiellement autobiographique. Vous racontez 4 ans de parcours de PMA pour devenir père. Qu’est ce qui vous a motivé à dessiner puis partager cette histoire ?
La voix d’un homme
William Roy - Dessiner notre parcours, sous forme de journal illustré
au départ, a été vraiment libérateur pour moi. Je suis passé par une phase assez difficile à l’annonce
de mon infertilité. J’avais honte d’en parler, et le dessin a été un moyen
d’extérioriser ça, une sorte de soupape de sécurité pour ne pas craquer.
Et puis
quand ma parole s’est libérée, devenue plus facile, je me suis rendu compte
qu’il y avait une vraie méconnaissance de ce que vivent les couples infertiles,
et surtout un tabou persistant concernant l’infertilité masculine. Et dans le
même temps, j’ai été frappé par le nombre de gens qui ont recours à la FIV, le
plus souvent sans en parler.
C’est ce
qui m’a motivé à développer un témoignage en bande dessinée, pour le partager avec le plus de
gens possibles.
1001 fécondités – La voix des hommes sur le sujet est plutôt rare, et elle fait du bien aux femmes nombreuses dont les hommes restent souvent plutôt silencieux dans ces parcours. Dans votre expérience, quels regards, quelles paroles vous ont encouragé à mettre vos mots et vos émotions en image et à les partager ?
William Roy – Comme je vous disais, le départ de
cette aventure dessinée vient plus d’un besoin viscéral de me dégager d’un
poids. La spontanéité du dessin et la naïveté des traits me permettaient de
prendre de la distance et de dédramatiser ça. J’avais besoin d’en rire.
Les
regards et les paroles les plus encourageantes pour moi furent celle de ma
femme, car le parcours de la FIV, c’est d’abord cette épreuve imposée au
couple, et il faut sans cesse se dire qu’on peut se reposer mutuellement l’un
sur l’autre.
Dans
l’entourage et la famille, les gens ont vite adopté une forme de dérision, que
j’avais initiée, aussi bien en dessin qu’en paroles, et ça faisait vraiment du
bien de pouvoir en rire. C’est ce qui a été précieux pour nous aider à tenir.
Quelles
que soient les épreuves que nous avons traversées, on a mis un point d’honneur
a toujours se montrer positifs.
1001 fécondités – Comment créer
une œuvre artistique à l’occasion de ce parcours de procréation vous a aidé à
le traverser et a contribué, peut-être, à vous sentir créateur, fécond,
vivant ?
William Roy – Dessiner une BD m’a permis de
dédramatiser notre parcours, mais m’a également imposé de me tenir constamment
informé, et de faire des recherches sur chaque étape médicale de la FIV.
Et, je n’y
avais pas réfléchi avant votre question, mais ça a probablement été un
« bébé » de substitution. Chaque mésaventure, chaque échec, enrichissait
la BD d’une anecdote supplémentaire : l’infertilité me rendait fécond, c’est ça !
1001 fécondités – Les hommes
ont-ils selon vous des besoins spécifiques dans les parcours de
fécondité ? Et comment y répondre ?
William Roy – Je ne suis pas sûr qu’il y ait des
besoins spécifiquement masculins dans ce parcours. En tous cas ce qui m’a
personnellement le plus cruellement manqué, c’est un peu plus d’empathie de la
part du personnel médical. J’aurais aimé me sentir plus pris en charge, avec des
gens qui prennent le temps d’expliquer. Pour nos deux premières tentatives, j’ai eu
l’impression d’être du bétail. Puis nous avons changé de médecin, et ça a été
génial. Il faut vraiment se sentir en confiance.
Voilà. Ça
n’est pas vraiment un besoin masculin, puisque les femmes ont sûrement les
mêmes attentes.
De toute
façon, l’épreuve est beaucoup plus pénible et contraignante pour la femme,
puisque c’est elle qui subit un traitement hormonal lourd et long. C’était
assez culpabilisant de se dire que je suis la cause de notre infertilité, mais
que c’est elle qui doit suivre un traitement. Moi, je vais juste dans une
cabine avec des magazines pour « effectuer un recueil » !
Le chemin d’un couple soudé par l’amour
et l’humour
1001 fécondités – Vous faites dire
à l’un de vos personnages : «Une
FIV, c’est le test implacable du couple. C’est la mécanique glaciale qui
s’immisce dans l’intimité. ». Qu’est-ce qui selon vous permet de
préserver l’humanité, l’intimité et de réchauffer l’atmosphère ?
William Roy – Difficile de répondre au nom des
autres couples. Dans notre cas, je pense qu’on était suffisamment en phase et
suffisamment soudés pour encaisser ensemble sans jamais reprocher à l’autre.
Et puis,
toujours voir le côté positif et ne pas perdre espoir, c’est ce qui permet de
continuer à vivre sans trop se prendre la tête avec les épreuves.
1001 fécondités – Vous évoquez la
culpabilité d’être celui, dans le couple, qui est porteur de la difficulté
fertile médicalement identifiée ; et aussi celle de voir votre femme
supporter des examens et des traitements lourds. Comment avez-vous surmonté ce
sentiment ?
William Roy – Là je dois dire que ma femme m’a beaucoup aidé a
accepter cela. Elle est dentiste, donc de
l’univers médical, et elle a toujours fait en sorte de rendre ce traitement
très anodin, de me dire que je n’avais rien à me reprocher car ce n’était rien.
Il y avait
par exemple une injection à faire tous les soirs à heure fixe, pendant un mois.
Eh bien, comme elle pouvait se piquer elle-même, ça ne nous a jamais arrêté de
vivre, d’aller au restaurant, dans les bars… je me souviens même d’une fois où
elle s’est piquée dans les toilettes du stade de France. Vous avouerez que si
on s’attache au côté amusant des choses, il y a de quoi en rire, non ?
J’imagine
que ça doit être plus pénible pour d’autres couples, moins à l’aise avec toutes
ces démarches cliniques.
L’histoire d’un fils qui voulait
devenir père
1001 fécondités – Votre récit du
parcours de PMA est traversé par l’histoire du fils que vous avez été et que
vous êtes et du père que vous vous apprêtiez à devenir. L’ouvrage est structuré
en deux parties intitulées « un père
impasse » pour la première et « un
père et passe » pour la seconde. Suggérez-vous ainsi un lien entre une
relation père-fils complexe et douloureuse et votre parcours pour devenir
père ? Et si oui, de quelle nature est ce lien selon vous ? A t’il
joué dans votre parcours et comment ?
William Roy – Ma relation à mon père a été
compliquée, et pour tout dire assez inexistante. Donc oui, le fait de vouloir un enfant sans
le pouvoir m’a immanquablement amené à me questionner sur la paternité, et à
faire un lien avec mon propre père, qui a pu avoir un enfant, peut-être sans le
vouloir. J’ai longtemps décrété que, quand
j’aurai un enfant, je ne referai pas les erreurs de mon père. Et là, d’un coup,
on m’apprend que ce ne sera peut-être pas possible !
À cela
s’est ajouté, pendant notre parcours, le besoin de mon père de reprendre
contact, après près de 20 ans de silence.
Tout ça a
contribué à créer un parallèle entre ces deux histoires, pour dépasser le
simple cadre de la FIV, et avoir une réflexion un peu plus globale sur la
paternité.
1001 fécondités – Plusieurs
figures paternelles semblent avoir inspiré le père - d’un fils d’ailleurs !
- que vous êtes devenu. Comment
nourrissent-elles le père en vous ? Quel regard portez-vous sur les
dimensions biologiques, sociales, affectives de la filiation ?
William Roy – Je serai incapable de vous dire ce
qui chez mon père biologique, m’a inspiré – à part peut-être ma passion pour le
cinéma, et ma carrière de monteur-réalisateur.
J’ai
vraiment été élevé, dès l’âge de 6 ans, par le nouveau compagnon de ma mère, qui
s’est occupé de moi comme de son propre fils. À cette époque-là, je voyais
encore mon père, mais notre situation s’est détériorée, et nous nous sommes
perdus de vue. J’ai donc exclusivement été élevé et aimé par ma mère et mon
beau-père, qui représente vraiment l’image paternelle.
Du coup,
vous vous en doutez, j’attache
vraiment plus d’importance à la dimension sociale du père, qu’à la dimension
biologique. Je suis ce que je suis grâce à l’homme qui m’a éduqué, pas grâce à celui qui m’a conçu.
Il y a d’ailleurs
un passage là-dessus dans le bouquin. Un montage de film pendant les débats sur
le mariage gay. On y entend le rapporteur de la loi expliquer ce que le texte
va changer sur la paternité, et sur l’importance qu’on accordera dorénavant à
la dimension sociale, et non biologique, du père.
Je tenais
absolument à le mettre, car ça correspondait à ma vision des choses. Ça a aussi
contribué à relativiser la FIV : OK, tous ces efforts pour avoir un
enfant, mais le vrai parcours du combattant viendra après, quand il faudra se
montrer à la hauteur en l’élevant.
De père en fils, de père en FIV,
qu’est-ce que ça change ?
1001 fécondités – Plusieurs
planches font apparaître dans la pensée du narrateur, de façon forte, voire
envahissante, oppressante, la présence des générations nombreuses d’hommes et
de femmes qui vous ont précédé et ont présidé à votre naissance en donnant la
vie « de père en fils » depuis des siècles … et des siècles !
Comment avez-vous senti cette pression transgénérationnelle dans l’impasse –
transitoire - à la transmission que
représentait votre infertilité ?
William Roy – D’abord l’infertilité est vécu comme une atteinte à la
virilité, on a une honte sociale, la sensation d’être en marge.
Et puis,
on se dit : « mais je suis sûr de faire un
bon père, alors pourquoi moi ? »
Et c’est
là que m’est venu cette pensée pour toutes ces générations d’une famille qui se
sont succédées jusqu’à moi : ces milliers et milliers de gens qui
n’avaient pas mon problème.
J’ai gardé
cette idée dans la BD car je trouvais que c’était fort visuellement, ça
permettait de rendre en image le sentiment de solitude et de honte qui m’a
envahi. Et puis, j’aimais bien le potentiel comique de ce procédé, et je l’ai
fait revenir plusieurs fois, quand par exemple Guillaume a tous ses ancêtres
entassés sur le siège arrière de la voiture.
1001 fécondités – Au-delà du jeu
de mots, qu’est-ce que ça représente pour vous d’avoir conçu un fils par FIV,
avec l’aide d’un tiers médical ? Que pensez-vous en dire à votre fils ?
William Roy – L’aventure a été longue avant de
voir ma femme enceinte. Tellement longue et éprouvante que nous avons vécu la
grossesse comme une relaxation.
D’habitude,
on annonce à un couple qu’il va avoir un enfant, et l’effervescence commence. Nous,
on s’est dit : »enfin, ça y est ! » et la pression est
complètement retombée !
Je pense
que durant ces 4 années, on a perdu un
peu d’insouciance à la perspective d’être parents. On s’accroche, on s’accroche, et on se pose 1000 fois la question du
désir de cet enfant, de la légitimité de tous ces efforts. Et du coup, quand il arrive, on est peut-être mieux
préparés, mieux armés. Je ne
sais pas, c’est l’impression que j’ai de notre histoire perso.
Bien sûr,
quand le temps sera venu, j’expliquerai tout ça à mon fils. Et puis, ce livre,
c’est quand même aussi l’envie de laisser un témoignage à mon enfant, un cadeau
que je voulais lui faire.
L’histoire d’une génération ?
1001 fécondités – Une planche de
votre album laisse penser qu’à mesure que vous avez dépassé le sentiment de
honte et que la parole avec votre entourage s’est libérée, la pression
familiale, transgénérationnelle – de la dette de vie ? – s’est libérée.
Est-ce que c’est aidant de parler ? de prendre conscience et de dire que
la dégradation de la qualité spermatique et de la fertilité humaine n’est pas
qu’une affaire individuelle mais l’affaire de toute une génération et de toute
une société ?
William Roy – C’est essentiel de parler !
Je suis pourtant quelqu’un d’assez pudique et réservé, et une partie de mon
expression est passée par le dessin, mais je crois vraiment qu’il faut parler à
l’entourage, aux amis. Et pas forcément pour chercher une épaule ou une consolation.
Ce qui nous a le plus soutenu, c’est
finalement d’en parler de façon banale, de raconter les anecdotes qui pouvaient
prêter à rire, et d’avoir des amis qui n’hésitent pas à tourner tout ça en
dérision avec nous.
La prise
de conscience que les couples concernés par la FIV, et l’infertilité, étaient
plus nombreux que je ne le pensais, s’est plus faite en cherchant sur internet,
en voyant des émissions. Et puis, c’est quelque chose qui intervient de plus en
plus en second plan dans les films ou les séries.
Je ne sais
pas pour autant si on peut conclure à un phénomène générationnel. Les études
sont un peu contradictoires là-dessus. Je serai tenté de dire que si mais je ne
pense pas avoir les compétences scientifiques pour l’affirmer.
Ce qui est
sûr, c’est que notre
génération est la première à avoir si facilement accès aux procédures de PMA,
et que ce qui était jusque là caché dans les familles, explose au grand jour.
C’est très positif !
1001 fécondités – Est-ce que
rétrospectivement ce parcours a pris sens pour vous, dans votre histoire
personnelle, et peut-être dans celle de votre génération ?
William Roy – En ce qui me concerne, ça n’a rien
eu de rétrospectif. Ce parcours a pris du sens dès son commencement.
Après
j’espère que ce témoignage prendra du sens pour un grand nombre de gens qui se
retrouveront dans cette expérience. J’aime l’idée d’avoir un peu contribué à
rendre les choses un peu plus visibles, en espérant que d’autres témoignages
vont se succéder.
Dessinateur autodidacte, William Roy est né le 14 février 1976 et réside actuellement à Paris. Après des études de sciences puis d’audiovisuel, il devient monteur et réalisateur de documentaires et de fictions en 2001.
Parallèlement à sa carrière, il entretient sa passion de la bande dessinée en griffonnant quelques histoires et un blog BD aujourd’hui en jachère.
Mais c’est en 2009, avec le début du long parcours de la FIV, qu’il se lance véritablement dans son premier album. Celui-ci commence avant tout comme une nécessité, un défouloir pour parvenir à surmonter les difficultés.
Puis, petit à petit, l’envie de partager cette histoire pour soutenir ceux qui la vivent aussi lui permet d’aboutir à la publication de son tout premier album : De Père en FIV.
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de père en FIV, aah la fécondité, il faut ête infertile comme nous autres pour comprendre la joie d'être maman! je suis en PMA depuis des années avec des FIV nulles, actuellement je suis à Bordeaux et mon gygy nous envoie en GPA, quid des législations en Belgique ou en Ukraine avec Cryos ou A. FESKOV?!
RépondreSupprimertu sais FIV nulles ça dépend ton taux AMH, l'Espagne ne fait pas de GPA attention, je te conseille le Canada ou alors la Belgique et A. FESKOV clinic dont tu parles a d'ailleurs un bureau là-bas, youtu.be/As0RZWwx0WE et la législation est favorable
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